Dans un arrêt rendu le 9 février 2018, la Cour administrative d'appel de Nantes a reconnu qu’un service d’entraide agricole ne saurait être considéré comme une exploitation et une mise en valeur effective des terres nonobstant l’existence d’une prise de participation financière de l’aidant dans l’exploitation aidée.
3. Considérant que si l'EARL A...a pris, en 2012, une participation financière dans la SCEA du M…, propriétaire et exploitante en titre des terres en litige, et en a été désignée la gérante à compter du mois de décembre 2012, cette double circonstance ne suffisait pas à justifier qu'elle fût, en vertu des dispositions rappelées au point 2, regardée comme assurant l'exploitation des 48,32 hectares de terres litigieux ; que si le ministre chargé de l'agriculture fait valoir que l'EARL requérante assurait en réalité l'exploitation effective des parcelles concernées dès lors qu'il a été constaté qu'elle y a effectué, au cours de l'année 2013, des travaux de préparation des terres pour les céréales, les féveroles et le maïs et des travaux d'épandage, il résulte de l'instruction que l'EARL A...s'est en réalité bornée à apporter, dans le cadre de l'entraide définie à l'article L. 325-1 précité du code rural et de la pêche maritime, une aide matérielle à l'un des associés de la SCEA, en l'occurrence MmeE..., qui avait des difficultés à poursuivre l'exploitation de ses terres en raison du départ en retraite de son mari, sous la forme de prestations d'entraide facturées par elle à la SCEA du M…, ainsi qu'elle le faisait d'ailleurs pour d'autres exploitants agricoles non associés de cette SCEA ; qu'ainsi, l'EARL A...ne peut être regardée, contrairement à ce qu'ont estimé le préfet et la commission de réforme, comme ayant participé à la mise en valeur directe ou indirecte des unités de production de la SCEA du M… au sens des dispositions citées plus haut de l'article L. 331-1 du code rural et de la pêche maritime, et comme ayant été, pour ce motif, dans l'obligation de se soumettre au contrôle des structures des exploitations agricoles ; que la sanction financière prononcée à son encontre est, par voie de conséquence, dépourvue de base légale ;
Le régime de l’entraide ne peut, en effet, pas porter à confusion entre les exploitations des aidants.
En ce sens, le Conseil d’Etat avait déjà précisé que régime de l'entraide ne saurait avoir pour effet d'aboutir à la réunion en une seule exploitation de terres cultivées par des exploitants voisins pour la déclaration de superficie ouvrant droit aux aides.
Considérant en quatrième lieu que la SCEA DE RUMONT et la SA FERME DE RUMONT ont soutenu devant la cour que leurs erreurs de déclaration se seraient compensées si elles s'étaient placées sous le régime de l'entraide prévu par l'article L. 325-1 du code rural et qu'elles auraient alors respecté les dispositions précitées du règlement n° 3887/92 ; que la détermination des superficies ouvrant droit aux aides se fait selon ce règlement au niveau de chaque exploitation ; qu'en tout état de cause, le régime de l'entraide, sous lequel la SCEA DE RUMONT et la SA FERME DE RUMONT ne se sont au demeurant pas placées, se limite à des échanges en travail et à des échanges de moyens d'exploitation mais n'a pas pour objet, et ne saurait avoir pour effet, d'aboutir à la réunion en une seule exploitation des terres cultivées par des exploitants différents ; que, dès lors, la cour n'a commis aucune erreur de droit en écartant comme inopérant le moyen soulevé devant elle ;
Au surplus, la SCEA défendeur posait une question prioritaire de constitutionnalité formulée en ce sens :
Les dispositions de l’article L. 331-1 du Code rural telles que tirées de la Loi n°2006-11 du 15 janvier 2006 peuvent-elles être interprétées comme assimilant la simple prise de participation financière minoritaire dans une société agricole et la réalisation de travaux d’entraides sur les terres pour cette société agricole, à une mise en valeur de ces terres agricoles sans porter une atteinte disproportionnée au droit de propriété et à la liberté d’entreprendre que la Constitution garantit ?
En effet, l'extension du contrôle des structures aux opérations sociétaires était l'un des objectifs poursuivis par la loi d'avenir du 13 octobre 2014. Le Conseil constitutionnel avait cependant censuré la mesure, pour inconstitutionnalité, au motif qu'elle ne réservait pas la qualification d'agrandissement aux opérations sociétaires conduisant à une participation significative dans une autre exploitation agricole.
37. Considérant toutefois, que les dispositions du 2° de l'article L. 331-1-1 du code rural et de la pêche maritime qualifient d'agrandissement d'exploitation agricole toute prise de participation, quelle que soit son importance ; qu'en ne réservant pas cette qualification aux prises de participation conduisant à une participation significative dans une autre exploitation agricole, ces dispositions ont porté au droit de propriété et à la liberté d'entreprendre une atteinte disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi ; que, par suite, dans ce 2°, les mots : « ou de prendre, directement ou indirectement, participation dans une autre exploitation agricole » doivent être déclarés contraires à la Constitution ;
Par analogie, le contrôle non limité des prises de participations financières porterait toujours une atteinte disproportionnée au droit de propriété et à la liberté d’entreprendre même si cette prise de participations financières s’accompagne de la réalisation de certains services d’entraides ou de travaux facturés.
Par l’absurde, les ETA (entreprise de travaux agricoles) ne pourraient plus prendre des prises de participations dans les exploitations pour lesquelles elles réalisent des travaux sans demander une autorisation d’exploiter les terres au préalable.
La Cour retenant le défaut de base légale de la décision litigieuse, s'est dispensée de transmettre cette question intéressante.
Partant, la seule assurance à tirer de cet arrêt est que la prise de participation financière d’un associé non exploitant n’est pas soumise au contrôle des structures, même cette acception était déjà entendue.