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  • Alexandre Guillois

L'application des nouvelles dispositions de l'article L. 600-7 du Code de l'urbanisme

La LOI n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (dite Loi ELAN) a modifié les dispositions de l'article L. 600-7 du Code de l’urbanisme, qui sont désormais ainsi rédigées :


Lorsque le droit de former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager est mis en œuvre dans des conditions qui traduisent un comportement abusif de la part du requérant et qui causent un préjudice au bénéficiaire du permis, celui-ci peut demander, par un mémoire distinct, au juge administratif saisi du recours de condamner l'auteur de celui-ci à lui allouer des dommages et intérêts. La demande peut être présentée pour la première fois en appel.


Cette modification résulte de l'une des propositions du groupe de travail consulté par le gouvernement pour un contentieux des autorisations d’urbanisme plus rapide et plus efficace qui visait à assouplir les conditions de mise en oeuvre de cette sanction.



Le groupe de travail partait du constat que depuis l’entrée en vigueur de l’article L. 600-7, en août 2013, les conclusions reconventionnelles à fin de dommages et intérêts présentées devant les tribunaux administratifs ont quasiment toutes été rejetées.


Pour renforcer l’efficacité de cet article, le groupe de travail a proposé deux types de modification:


- la suppression de la notion de préjudice excessif ;

- le remplacement de la notion de « conditions excédant la défense des intérêts légitimes » par une autre formule, car les juridictions saisies de conclusions reconventionnelles ont toutes considéré que dès lors qu’un requérant avait intérêt pour agir, on ne pouvait considérer que le recours était mis en œuvre dans des conditions excédant la défense des intérêts légitimes du requérant. La trop grande proximité entre les termes employés (« intérêt pour agir », d’un côté, « défense des intérêts légitimes », de l’autre) rend en pratique cette condition très réductrice. Après de longues discussions, le groupe s’est arrêté sur les termes « dans des conditions qui traduisent un comportement déloyal de la part du requérant » qui renvoient à l’exigence de loyauté du requérant dans le déroulement de la procédure.


Finalement, sur cette dernière modification, le gouvernement et les parlementaires ont préféré s'appuyer sur la notion comportement abusif plutôt que celle de comportement déloyal proposée par le groupe de travail.


Cette notion de comportement abusif apparaissait étendre encore plus largement l'application de ces dispositions.


Au regard de ces nouvelles dispositions, on pouvait légitimement s'attendre à ce que le juge administratif sanctionne différents comportements tels que:


- le maintien abusif d'un recours en annulation après le rejet d'une demande de suspension pour défaut de présentation d'un moyen propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision et si le requérant ne soulève aucun moyen nouveau ou ne développe pas les moyens déjà exposés;


- la justification d'un intérêt à agir qui serait de nature à traduire un détournement de la finalité et de l'objet du recours.


Cette dernière hypothèse apparaît particulièrement délicate puisque l'intérêt à agir du requérant particulier tiré de ce que le projet serait de nature à affecter les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance d'un bien qu'il détient ou occupe selon les dispositions de l'article L. 600-1-2 du Code l'urbanisme, est toujours intimement lié à un trouble de voisinage qui intéresse les juridictions civiles (perte d'ensoleillement, d'intimité...).


Aussi, le requérant particulier a toujours la possibilité d'intenter une action civile pour demander la réparation de ces troubles.


En pratique, les juges administratifs n'ont pas pris en compte cette modification.


Ils sont restés liés à la notion d'excès dans la défense des intérêts légitimes du requérant pour caractériser l'existence d'un comportement abusif.


En ce sens, il ressort d’une jurisprudence constante que la qualité à agir du requérant lorsqu’elle est indéfectible permet de rejeter toute demande indemnitaire.

Les préjudices subis par le requérant démontrent pleinement son intérêt et sa qualité à agir contre une autorisation d’urbanisme et permettent d’appréhender son comportement de justiciable.



Cette appréciation est toujours celle retenue par les juridictions sous l’empire des nouvelles dispositions de l’article L. 600-7 du Code de l’urbanisme.


Il ressort des pièces du dossier que la maison, propriété des époux B..., est située à proximité immédiate du terrain d’assiette de la construction autorisée par le permis de construire en litige. Eu égard à la configuration des lieux, la maison à construire est susceptible d’avoir pour effet de diminuer l’ensoleillement et la luminosité de la maison des époux B.... Ni la circonstance que les demandes étaient tardives ni celle que les époux B... ne résident pas habituellement dans cette maison ne caractérisent la mise en oeuvre par les époux B... de leur droit de former un recours dans des conditions traduisant de leur part un comportement abusif. Par suite, les conclusions par lesquelles les époux C... demandent que les époux B... soient condamnés à leur verser une somme d’argent à titre de dommages et intérêts, qui en outre n’ont pas été présentées par un mémoire distinct, doivent être rejetées.


Il ne résulte pas de l’instruction que le droit de M. A… et M. G…, voisins immédiats du projet, à former un recours contre le permis de construire aurait été mis en œuvre dans des conditions qui traduiraient de leur part un comportement abusif, que ne saurait en lui-même révéler la circonstance qu’ils n’ont pas présenté de mémoire en réplique devant le tribunal administratif, ou qu’ils n’auraient pas soulevé de moyens nouveaux en appel. Par suite, les conclusions indemnitaires présentées par la société Ideis, à laquelle le permis de construire délivré à la société Imaxe a été transféré, doivent être rejetées.


18. Les requérants sont propriétaires de biens immobiliers situés à proximité immédiate du projet en litige. Il ne résulte pas de l’instruction que l’action de M. D… et autres aurait été mise en œuvre en vue de nuire à la SCI Résidence du bac ou dans des conditions excédant la défense de leurs intérêts légitimes. Par suite, les conclusions indemnitaires présentées par la SCI Résidence du bac sur le fondement des dispositions précitées doivent être rejetées.



Il reste cependant que le bénéficiaire n'a plus à justifier du caractère excessif de son préjudice pour demander des dommages et intérêts.


A toutes fins utiles, il y a lieu de préciser que seul le bénéficiaire d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager peut invoquer ces dispositions.


Les autres autorisations d'urbanisme (déclaration préalable de travaux...) ne sont pas concernés et cités par les dispositions de l'article L. 600-7 du Code de l'urbanisme.





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