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L’interdiction de cession à titre onéreux des contrats de vente de lait dans le projet de loi Sapin

Alexandre Guillois

Depuis la suppression des quotas laitiers le 1er avril 2015, ce sont les laiteries qui régulent la production. Elles ont repris la main et définissent un volume de collecte dans leurs contrats d’adhésion.


Aujourd’hui, les contrats de laiteries se vendent comme des petits pains. Il faut dire que la valorisation de ce « droit à produire » n’était plus d’actualité depuis 1994.


En effet, selon l’arrêt de la CJCE Queen c/ Ministry of agriculture du 24 mars 1994, le droit de propriété garanti dans l’ordre juridique communautaire ne comportait pas le droit à la commercialisation d’un avantage tel que les quantités de référence allouées dans le cadre d’une organisation commune de marché.


Cette solution avait été confirmée par la Cour de cassation (Arrêt du 31 octobre 2012 (10-17.851) - Cour de cassation - Troisième chambre civile), la vente des quotas laitiers à l’occasion d’une cession d’exploitation constituait un pas de porte prohibé au sens de l’article L.411-74 du Code rural.


Rappelons à ce titre que les dispositions de cet article s’appliquent dans le cadre de la conclusion d’un bail rural et érigent la pratique du pas de porte en délit.


« Sera puni d'un emprisonnement de deux ans et d'une amende de 30 000 € ou de l'une de ces deux peines seulement, tout bailleur, tout preneur sortant ou tout intermédiaire qui aura, directement ou indirectement, à l'occasion d'un changement d'exploitant, soit obtenu ou tenté d'obtenir une remise d'argent ou de valeurs non justifiée, soit imposé ou tenté d'imposer la reprise de biens mobiliers à un prix ne correspondant pas à la valeur vénale de ceux-ci. »


Pour autant, la valorisation des contrats de laiteries, en sorte de droit de présentation, n’entre pas dans le cadre de ces dispositions puisque le volume de collecte est un droit tiré d’un contrat entre particuliers alors que les quotas laitiers constituaient une autorisation administrative non négociable et, de fait, non valorisable selon le juge communautaire et le juge français.


Adopté en seconde lecture à l’assemblée nationale, le 29 septembre dernier, le Projet de loi (« SAPIN II ») relatif a la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, prévoit l’interdiction de la cession à titre onéreux des contrats de vente de lait de vache pendant une période de cinq ans à titre transitoire avec la fin des quotas laitiers.


« L’article 30 interdit la cession à titre onéreux des contrats de vente de lait de vache pendant une période de cinq ans à compter de la publication de la loi. Les quotas laitiers ont structuré pendant trente et un ans l’organisation de la production laitière. Depuis leur suppression au 1er avril 2015 apparaît une pratique de « marchandisation » des contrats d’achat de lait entre producteurs et acheteurs conclus en application de l’article L. 631-24 du code rural et de la pêche maritime, qui contribue à l’alourdissement des charges des producteurs et risque ainsi d’accroître la désorganisation actuellement constatée du secteur. Afin d’accompagner cette suppression, il apparaît indispensable d’interdire la marchandisation des contrats laitiers pendant la période nécessaire à la transition progressive vers de nouveaux équilibres, conformément aux préconisations récentes du conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux. La limitation à cinq ans de l’interdiction de cession correspond à la durée minimale de ces contrats. Tel est l’objet du nouvel article L. 631-24-1 inséré au code rural et de la pêche maritime. »


Cet article n’a pas été amendé, et dans le cadre de la procédure législative accélérée du projet de loi SAPIN II, sans compromis trouvé devant la commission mixte paritaire parlementaire, ce projet de loi pourra être adopté à la prochaine séance de l’assemblée nationale.


En définitive, cette interdiction devrait traduire une résurgence des usages de cessions déguisées en pas-de-porte qui se pratiquaient avec les quotas laitiers.


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